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.Maintenant, les Saxons étaient unis et les Bretons divisés.« Je pense que Meurig laissera passer Cuneglas, dit Emrys, car il n’a pas envie de se battre.Il veut seulement la paix.— Nous voulons tous la paix, mais si la Dumnonie tombe, alors le Gwent sera le prochain à subir le fer des Saxons.— Meurig soutient que non, et il offre l’asile à tout chrétien dumnonien qui souhaite échapper à la guerre.»C’étaient de mauvaises nouvelles, car cela signifiait que tous ceux qui n’auraient pas le courage d’affronter Aelle et Cerdic n’auraient qu’à se réclamer de la foi chrétienne pour trouver refuge dans le royaume de Meurig.« Est-ce qu’il croit vraiment que son Dieu le protégera ? demandai-je à Emrys.— Bien sûr, Seigneur, car à quoi d’autre un dieu servirait-il ? Mais Dieu, bien sûr, peut avoir d’autres idées.Ses voies sont si impénétrables.» L’évêque avait maintenant assez chaud pour ôter sa grande cape de fourrure d’ours.En dessous, il portait un justaucorps en peau de mouton.Il glissa une main à l’intérieur et je supposai qu’un pou le démangeait, mais il en tira un parchemin plié, attaché avec un ruban et scellé d’une goutte de cire.« Arthur m’a envoyé ceci de Démétie en demandant que vous le portiez à la princesse Guenièvre.— Entendu », dis-je en acceptant le document.J’avoue que je fus tenté de briser le sceau et de le lire, mais je résistai à la tentation.« Savez-vous de quoi il s’agit ?— Hélas, non, Seigneur », répondit Emrys sans me regarder, et je soupçonnai le vieil homme d’avoir pris connaissance du contenu de la lettre, mais de ne pas vouloir avouer ce petit péché.« Je suis sûr que ce n’est rien d’important, ajouta-t-il, mais Arthur a insisté, particulièrement, pour qu’elle le reçoive avant le solstice.C’est-à-dire, avant son retour.— Pourquoi est-il allé en Démétie ? demanda Ceinwyn.— Pour s’assurer que les Blackshields se battraient à vos côtés ce printemps, je suppose », répondit l’évêque, mais son ton me parut quelque peu évasif.Je soupçonnai que la lettre devait contenir la vraie raison de la visite qu’Arthur avait rendue à Œngus Mac Airem, mais Emrys ne pouvait pas la révéler sans reconnaître qu’il avait brisé le sceau.Le lendemain, je me rendis à Ynys Wydryn.Ce n’était pas loin, mais le trajet prit la plus grande partie de la matinée car, par endroits, je devais faire traverser des congères à mon cheval et à ma mule.Cette dernière transportait une douzaine de peaux de loup que Cuneglas nous avait apportées et ce cadeau fut bien reçu par Guenièvre car les murs de rondins de sa prison étaient percés de fentes par lesquelles sifflait un vent glacé.Je la trouvai accroupie à côté d’un feu qui brûlait au centre de la pièce.Elle se redressa quand on m’annonça, puis envoya ses deux domestiques préparer le repas.« Je suis tentée de devenir moi-même une fille de cuisine.Là au moins, il fait chaud, mais c’est sinistre, car on y entend les paroles hypocrites des chrétiens.Ils ne peuvent pas casser un œuf sans louer leur misérable Dieu.» Elle frissonna et serra la cape autour de ses épaules minces.« Les Romains savaient se chauffer, mais on dirait que nous avons perdu cet art.— Ceinwyn vous envoie ceci, Dame, dis-je en laissant tomber les peaux par terre.— Remercie-la de ma part », dit Guenièvre, puis, en dépit du froid, elle alla ouvrir les volets afin que la lumière du jour entre dans la pièce.Les flammes vacillèrent sous une bouffée d’air glacial et des étincelles montèrent en tournoyant jusqu’aux poutres noircies.Guenièvre portait un surcot d’épaisse laine brune.Elle était pâle, mais son visage hautain aux yeux verts n’avait rien perdu de son pouvoir et de sa fierté.« Je t’attendais plus tôt, me gronda-t-elle.— Ç’a été une dure saison, Dame, dis-je pour excuser ma longue absence.— Derfel, je veux savoir ce qui s’est passé à Mai Dun.— Je vais vous le dire, Dame, mais permettez-moi d’abord de vous donner ceci.» Je tirai le parchemin d’Arthur du sac accroché à ma ceinture et le lui tendis.Elle arracha le ruban, brisa le sceau d’un coup d’ongle et déplia le document.Elle le lut à la lueur du jour réfléchie par la neige.Je vis son visage se tendre, mais elle ne montra aucune autre réaction.Elle parut le relire, puis le plia et le lança sur un coffre.« Parle-moi de Mai Dun.— Qu’avez-vous déjà appris ? demandai-je.— Je sais ce que Morgane a bien voulu me dire, et cette putain a forcément choisi une version conforme à la vérité de son misérable Dieu.» Elle parlait assez fort pour être entendue par quiconque aurait écouté notre conversation.« Je doute que ce qui s’est passé ait déçu le Dieu de Morgane », dis-je, et je lui racontai toute l’histoire de cette Vigile de Samain.Lorsque j’eus terminé, elle demeura silencieuse à regarder par la fenêtre l’enclos recouvert de neige où une douzaine d’audacieux pèlerins étaient agenouillés devant la sainte épine.Je nourris le feu avec l’une des bûches empilées contre le mur.« Alors, c’est Nimue qui a emmené Gwydre au sommet ? demanda Guenièvre.— Elle a envoyé des Blackshields le chercher.L’enlever, en fait.Cela n’a pas été difficile.La ville était pleine d’étrangers et toutes sortes de lanciers entraient et sortaient du palais.» Je fis une pause.« Je doute qu’il ait couru un véritable danger.— Bien sûr que si ! » dit-elle d’un ton sec.Sa véhémence me laissa interdit.« C’est l’autre enfant qui aurait été tué, protestai-je, le fils de Mordred.Il était dénudé, prêt pour le couteau, mais pas Gwydre.— Et lorsque la mort de l’autre enfant n’aurait rien accompli, que serait-il arrivé ? Tu crois que Merlin n’aurait pas pendu Gwydre par les talons ?— Merlin n’aurait pas fait cela au fils d’Arthur, dis-je d’une voix qui, je l’avoue, manquait de conviction.— Mais Nimue, si.Nimue aurait massacré tous les enfants de Bretagne pour faire revenir ses Dieux, et Merlin se serait laissé tenter.Si près du but, avec seulement la vie de Gwydre entre lui et le retour des Dieux ? Oh, je pense qu’il se serait laissé tenter.» Elle s’approcha du feu et ouvrit son surcot pour laisser la chaleur pénétrer dans ses plis.Dessous, elle ne portait qu’un bliaud noir et n’arborait pas un seul bijou.Pas même un anneau au doigt.« Merlin aurait pu éprouver de la culpabilité à l’idée de tuer Gwydre, mais pas Nimue.Elle ne voit aucune différence entre ce monde et l’Autre Monde, aussi que lui importe qu’un enfant vive ou meure ? Mais le seul qui compte à ses yeux, Derfel, c’est le fils du chef.Pour obtenir ce qu’il y a de plus de précieux, il faut sacrifier ce qui possède le plus de valeur, et en Dumnonie, ce n’est certainement pas un petit bâtard de Mordred.C’est Arthur qui gouverne, et non Mordred.Nimue voulait la mort de Gwydre.Merlin le savait, seulement il espérait que des victimes moins importantes suffiraient.Mais Nimue s’en moque.Un jour, Derfel, elle rassemblera de nouveau les Trésors, et ce jour-là, Gwydre sera saigné dans le Chaudron.— Pas tant qu’Arthur vivra.— Et pas tant que je vivrai ! » proclama-t-elle d’un air farouche, puis, reconnaissant son impuissance, elle haussa les épaules.Elle retourna à la fenêtre et laissa son surcot retomber.« Je n’ai pas été une bonne mère.» Je ne m’attendais pas à cela et ne sus que répondre.Je n’avais jamais été proche de Guenièvre, elle me traitait avec le même mélange rude d’affection et de dérision qu’elle pouvait montrer pour un chien stupide, mais docile, pourtant maintenant, peut-être parce qu’elle n’avait personne d’autre avec qui partager ses pensées, elle me les offrait.« Cela ne me fait même pas plaisir d’être mère, avoua-t-elle
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