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.Je pense que nous devrions peut-être coordonner nos efforts, murmura-t-il.C’est ma faute, pas la vôtre.J’ai entendu des gens dans la nuit et ai fait le guet devant sa tour, mais quand tout m’a paru paisible, je le confesse, j’ai moi aussi cherché mon lit.Ce fut une erreur.Il porta les yeux sur son habit de moine.— Ce costume est mal indiqué pour la chasse, à l’homme ou au gibier, mais je pense conserver encore quelque temps ce déguisement.— Certainement, monseigneur.— Avez-vous retrouvé sa nourrice ?— Cette souillon a disparu, dit Doña Urraca.Ainsi que Jaume, le valet d’écurie.Je ne lui fais pas confiance.Chaque fois que l’on tourne la tête, il est là à vous épier.— Miquel est parti le chercher en ville, murmura Don Aymeric.— Miquel ne sait même pas trouver son dîner dans son assiette, lâcha Doña Urraca.— Dans ce cas, je lui viendrai en aide dès que mon cheval sera sellé.Sur ce, le comte Hug de Castellbo partit en direction de ses écuries.Malgré son habit, il n’avait en rien l’air d’un moine.— Nous poursuivrons notre quête à partir d’ici.Don Aymeric se tourna à nouveau vers le ciel, mais ses yeux étaient aussi vides, aussi désespérés que ceux de sa femme, pourtant tournés vers la terre.— Comment va dame Isabel ? demanda Isaac en refermant la porte de la chambre de la malade avant de s’approcher du lit.— Elle dort, lui répondit sa fille.Elle s’est réveillée une fois et a bu l’infusion d’herbes et d’écorce fébrifuges.Puis elle est retombée dans un profond sommeil.Elle parlait doucement, mais sa voix était chargée d’inquiétude.Isaac s’arrêta au bord du lit, tendit l’oreille et secoua la tête.— Une fois la douleur et la fièvre tombées, il est normal qu’elle dorme à poings fermés.La voix de Raquel n’était plus qu’un murmure :— Papa, quand je la vois ici, c’est vraiment une copie de notre seigneur le roi.Comme si elle avait une tête d’homme sur un corps de femme.La vieille religieuse dit que c’est le démon qui travaille en elle pour lui voler son âme avant sa mort.Raquel serra très fort la main de son père.— Vous croyez que cela peut être vrai ?— Et depuis quand le démon parcourt-il la terre sous la forme de notre bon roi ? dit Isaac d’une voix troublée.Don Pedro est notre seigneur terrestre et notre protecteur.Nous lui devons beaucoup.Il nous a déjà sauvés à maintes reprises de la populace ignorante, et je crains que nous n’ayons encore besoin de son aide.Il s’arrêta et sourit à sa fille.— Dame Isabel a de bien meilleures raisons que la malignité diabolique pour ressembler à notre roi, mais il n’est pas convenable de parler de cela ici.Examinons plutôt sa blessure.La chambre sentait toujours les herbes brûlées et le chaudron bouillonnant, mais l’odeur d’infection et de putréfaction avait quasiment disparu.De l’âtre, une voix rauque se mit à bredouiller un mélange de latin et de catalan entremêlé des bribes d’une chanson.— Depuis combien de temps la vieille religieuse est-elle ainsi ? demanda-t-il vivement.— Depuis des heures et des heures, papa, fit Raquel.Il y avait des larmes dans sa voix quand elle lissa le drap de lin.— Je crois qu’elle a caché une cruche de vin sous ses jupes, murmura-t-elle.— Nous nous occuperons de cela plus tard.Place ma main sur le front de dame Isabel, dit-il doucement.Sa main se posa délicatement sur la peau.— Le front est humide et un peu plus frais.C’est bien.As-tu changé son pansement ?— À deux reprises, papa.Chaque fois j’ai baigné la blessure de vin avant d’y placer un emplâtre.— Fais-moi toucher sa peau, dit son père.Elle guida sa main et le regarda palper délicatement tout autour de la blessure.Il se redressa, apparemment satisfait de ce qu’il avait constaté.— Êtes-vous réveillée, madame ? demanda-t-il.— Oui, maître Isaac, fit la jeune fille d’une voix épaissie par le sommeil.— Vous reconnaissez votre médecin.C’est bon signe.Comment vous êtes-vous fait cette blessure ? poursuivit-il sur un ton tout aussi léger.Isabel cligna plusieurs fois des yeux.Raquel se pencha pour approcher un gobelet d’eau des lèvres de dame Isabel.— Buvez, madame, avant de chercher à parler.Elle but presque tout et laissa retomber sa tête.— Merci, Raquel.Vous voyez, je connais aussi votre nom.Quant à ma blessure, comment cela m’est arrivé, c’est vraiment stupide.— Parlez-m’en, dit Isaac, dont les doigts fouillaient dans le panier.— Nous étions à nos aiguilles.Je cherchais dans ma corbeille une soie de couleur beige afin de broder un cerf en fuite dans une scène de chasse…— Oui ?— Quelqu’un a lâché sa corbeille sur mon cadre et, quand j’ai voulu la ramasser, on m’est tombé dessus et j’ai été piquée par une aiguille.— Qui était-ce ?Elle secoua la tête d’un air contrit.— Dans la confusion, j’ai cru que c’était ma propre aiguille, dit-elle lentement.Mais maintenant je n’en suis plus certaine.Peut-être était-ce celle de cette personne.Je crois cependant que ce n’est qu’un accident.Elle parlait avec beaucoup de dignité.— Celle qui m’a blessée a sans aucun doute eu peur d’être châtiée.— Espérons, avec l’aide du Seigneur, que les conséquences de cet acte innocent seront bientôt oubliées, dit Isaac.Vous vous êtes assez fatiguée.Reposez-vous et faites comme Raquel vous le dit, madame, et tout ira bien.Votre oncle sera satisfait.Un unique coup frappé à la porte mit un terme à cette conversation.Isaac se retourna.— Qui est là ?— C’est Sor Agnete, maître Isaac.Puis-je vous parler ?— Reste ici avec ta patiente, Raquel, dit le médecin.Je vais voir ce que veut Sor Agnete.Raquel regarda son père quitter la chambre et refermer la porte derrière lui.Elle s’éloigna un peu du lit pour étirer ses bras et ses épaules endoloris.Elle était épuisée.Depuis qu’on l’avait réveillée en pleine nuit pour se rendre au couvent, elle n’avait pas dormi, sauf quelques minutes par-ci par-là auprès de sa patiente.Peint aux couleurs de l’épuisement, le décor qui l’entourait prenait des allures de cauchemar.La lumière du jour qui pénétrait par les fenêtres étroites parvenait mal à éclairer la pièce.Un unique rayon de soleil tombait sur le feu mourant et les braises pour en aspirer les teintes rouge orangé, ne laissant que de pâles langues de feu qui léchaient le mur de pierre.La chaleur avait une intensité étouffante ; sur toute chose la fumée projetait un voile bleuté.Raquel avait l’impression de vivre dans une représentation de l’enfer telle qu’elle en voyait dans les livres de son père
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